Dom. Abr 28th, 2024

Parce qu’elle n’a rien d’évident d’un point de vue logistique, politique et économique, la présence de douze pays africains à la soixantième édition de la Biennale de Venise est chargée d’une puissance symbolique. Car, même pour les meilleurs, rien n’est acquis et le plus dur est de durer. L’Angola, qui avait remporté le Lion d’or, distinction suprême, en 2013, a disparu de la lagune. Tout comme Madagascar, après le coup d’éclat de Joël Andrianomearisoa, en 2019, rare artiste malgache à même de lever des fonds, ou encore le Ghana, qui, pour sa première participation la même année, avait sorti le grand jeu.

Cette année, les prestations les plus intéressantes proviennent des pays qui inscrivent la Biennale comme un élément d’une stratégie d’influence plus large et à long terme. Le Nigeria ainsi revient après une dizaine d’années d’absence, avec une ambition démultipliée. L’inauguration du palazzo, loué près de Ca’Rezzonico, a débuté, mercredi 17 avril, par un hymne national entonné a cappella, en présence d’une ministre de la culture en grand apparat. « Cette exposition, c’est une manière de réfléchir à ce qu’est une nation. C’est une machine à penser », commente la jeune commissaire de l’exposition, Aindrea Emelife, par ailleurs conservatrice au Musée d’art moderne et contemporain d’Afrique de l’Ouest (Mowaa). A l’entrée du pavillon, la maquette du futur musée, qui doit ouvrir cet hiver, annonce, à destination du monde de l’art, que Benin City, l’ancienne capitale à trois heures de route de Lagos, sera sous peu une destination culturelle majeure.

« Monument to the Restitution of the Mind and Soul », de Yinka Shonibare, au pavillon du Nigeria à la Biennale de Venise 2024, en Italie.

Les fantômes du passé colonial hantent les huit artistes exposés. A commencer par Yinka Shonibare, référence de la scène nigériane, internationalement célébré, qui a reconstitué en argile cent cinquante bronzes du Bénin saisis par les troupes britanniques lors d’un raid punitif de 1897. L’accumulation donne le vertige et la mesure du pillage mené par Harry Rawson, dont le buste apparaît en vitrine, peint de motifs batiks verts.

Onyeka Igwe, née en 1996 et qui a grandi à Londres, propose une exploration des archives sonores laissées par les Britanniques, comme un rappel entêtant d’un passé à dépasser. Car c’est bien l’avenir que regarde avec optimisme le pavillon nigérian. « Cela pourrait sembler frivole d’être à Venise, alors que l’on est en plein dans notre chantier, mais ce que l’on veut montrer, c’est notre engagement à offrir aux artistes non pas un événement temporaire, mais une plate-forme pérenne », insiste Phillip Ihenacho, directeur du Mowaa.

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